Parfois, je me sens pris d'horreur pour cette terre ;
Mon vers semble la bouche ouverte d'un cratère ;
J'ai le farouche émoi
Que donne l'ouragan monstrueux au grand arbre ;
Mon cœur prend feu ; je sens tout ce que j'ai de marbre
Devenir lave en moi ;
Quoi ! rien de vrai ! le scribe a pour appui le reître ;
Toutes les robes, juge et vierge, femme et prêtre,
Mentent ou mentiront ;
Le dogme boit du sang, l'autel bénit le crime ;
Toutes les vérités, groupe triste et sublime,
Ont la rougeur au front ;
La sinistre lueur des rois est sur nos têtes ;
Le temple est plein d'enfer ; la clarté de nos fêtes
Obscurcit le ciel bleu ;
L'âme a le penchement d'un navire qui sombre ;
Et les religions, à tâtons, ont dans l'ombre
Pris le démon pour Dieu !
Oh ! qui me donnera des paroles terribles ?
Oh ! je déchirerai ces chartes et ces bibles,
Ces codes, ces korans !
Je pousserai le cri profond des catastrophes ;
Et je vous saisirai, sophistes, dans mes strophes,
Dans mes ongles, tyrans.
Ainsi, frémissant, pâle, indigné, je bouillonne ;
On ne sait quel essaim d'aigles noirs tourbillonne
Dans mon ciel embrasé ;
Deuil ! guerre ! une euménide en mon âme est éclose !
Quoi ! le mal est partout ! Je regarde une rose
Et je suis apaisé.
Victor Hugo
Quand ton col de couleur rose
Se donne à mon embrassement
Et ton oeil languit doucement
D’une paupière à demi close,
Mon âme se fond du désir
Dont elle est ardemment pleine
Et ne peut souffrir à grand’peine
La force d’un si grand plaisir.
Puis, quand s’approche de la tienne
Ma lèvre, et que si près je suis
Que la fleur recueillir je puis
De ton haleine ambroisienne,
Quand le soupir de ces odeurs
Où nos deux langues qui se jouent
Moitement folâtrent et nouent,
Eventent mes douces ardeurs,
Il me semble être assis à table
Avec les dieux, tant je suis heureux,
Et boire à longs traits savoureux
Leur doux breuvage délectable.
J.du Bellay
Partir !
Aller n'importe où,
vers le ciel
ou vers la mer,
vers le montagne
ou vers la plaine !
Partir !
Aller n'importe où,
vers le travail
vers la beauté,
ou vers l'amour !
Mais que ce soit avec une âme pleine
de rêves et de lumières,
avec une âme pleine
de bonté, de force et de pardon !
Cécile Chabot
Un soir, l'âme du vin chantait dans les bouteilles :
"Homme, vers toi je pousse, ô cher deshérité,
Sous ma prison de verre et mes cires vermeilles,
Un chant plein de lumière et de fraternité !
"Je sais combien il faut, sur la colline en flamme,
De peine, de sueur et soleil cuisant
Pour engendrer ma vie et pour me donner l'âme,
Mais je ne serai point ingrat ni malfaisant,
"Car j'éprouve une joie immense quand je tombe
Dans le gosier d'une homme usé par ses travaux
Et sa chaude poitrine est une douce tombe
Où je me plais bien mieux que dans mes froids caveaux.
"Entends-tu retentir les refrains des dimanches
Et l'espoir qui gazouille en mon sein palpitant ?
Les coudes sur la tables en retroussant tes manches,
Tu me glorifieras et tu seras content ;
"J'allumerai les yeux de ta femme ravie ;
A ton fils je rendrai sa force et ses couleurs
Et serai pour ce frêle athèlte de la vie
L'huile qui raffermit les muscles des lutteurs.
"En toi je tomberai, végétal ambroisie,
Grain précieux jeté par l'éternel Semeur,
Pour que de notre amour naisse la poèsie
Qui jaillira vers Dieu comme une rare fleur."
Charles Baudelaire
La voyez-vous passer, la nuée au flanc noir ?
Tantôt pâle, tantôt rouge et splendide à voir,
Morne comme un été stérile ?
On croit voir à la fois, sur le vent de la nuit,
Fuir toute la fumée ardente et tout le bruit
De l'embrasement d'une ville.
Victor Hugo
Une
étoile
a bien encore de la lumière.
Rien,
rien n’est perdu.
Hosanna
P. Celan
Pour les poèmes de VITA cliquer sur la rubrique POESIE