Madame de Grignan et sa mère Madame de Sévigné
....".Mais en vérité, ma très chère, il est douloureux d'en° recevoir si longtemps, et cependant la vie se passe sans voir et sans jouir d'une présence qui m'est si chère°°. Je ne puis m'accoutumer à cette dureté. Toutes mes pensées et toutes mes rêveries en sont noircies ; il me faudrait un courage que je n'ai pas pour m'accoutumer à cette extraordinaire destinée. J'ai regret à tous mes jours qui s'en vont et qui m'entraînent sans que j'aie le temps d'être avec vous. Je regrette ma vie et je sens pourtant que je la quitterais avec moins de peine, puisque tout est si mal rangé pour me la rendre agréable. Dans ces pensées, ma pauvre bonne, on pleure quelquefois sans vous le dire, et je mériterai vos sermons plus souvent, malgré moi, que je ne le voudrai. Car ce n'est jamais volontairement que je me trouve dans ces tristes méditations ; elles se placent tout naturellement dans mon coeur, et je n'ai pas l'esprit de les en tirer. Je suis au désespoir, ma bonne, de n'avoir pas été aujourd'hui maîtresse d'un sentiment si vif. Je n'ai pas coutume de m'y abandonner ; parlons d'autre chose (...)"Lettre à Madame de Grignan
°Des lettres
°°Madame de Grignan réside à Grignan (aujourd'hui dans la Drôme) et Madame de Sévigné aux Rochers (Bretagne)